L’approche guitaristique du virtuose Egberto Gismonti découle à la fois de la précision associée à la guitare classique et de l’exploration liée au blues, au jazz et au rock. Ainsi, Gismonti se dit influencé à l’adolescence par Django Reinhardt et Jimi Hendrix, alors qu’il prend la vague de la bossa nova à la suite de Baden Powell. Il intègre peu à peu des gestes pianistiques qui le poussent à adopter la guitare à huit cordes, puis à dix cordes, sur lesquelles il joue des dix doigts, comme sur un clavier. Cette originalité confère à son jeu une versatilité qui sert aussi bien sa performance de soliste que ses rencontres internationales avec des orchestres symphoniques ou de chambre. Sa prestation avec l’ensemble I Musici au Festival de jazz international de Montréal en 2010, où il interprète notamment sa Dança dos escravos, laisse un souvenir impérissable. Le regretté Yuri Turovsky, fondateur et chef d’orchestre d’I Musici, salue alors en quelques mots l’alliance réussie des formes classiques et populaires chez Gismonti : « la musique, c’est la musique! »
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Kinloch Nelson, génial touche-à-tout
Avec plus d’un demi-siècle de métier, le virtuose Kinloch Nelson connaît à peu près tous les types de guitares et chacun des styles qui en dépendent. Jeune, il joue du rock, des pièces classiques, s’intéresse au folk, au jazz, et à la chanson populaire. Actif comme guitariste dès 1969, il étudie la guitare classique avec Stanley Watson et le jazz avec Gene Bertoncini. À partir de 1973, pendant 25 ans, il enseigne à la Hochstein Music School de Rochester (NY). Il donne aussi des ateliers à l’Université de Rochester et en 1985 dote cette ville de sa Guitar Society. Celle-ci accueille les meilleurs guitaristes du monde pendant une décennie, tout en soutenant les talents locaux à l’aide de classes de maître, de concerts et d’un appui à la conception du programme de guitare de l’Eastman School of Music. Kinloch Nelson offre des cours ou des ateliers et accueille sur son site les questions des intéressé.e.s.
Sur scène, Kinloch Nelson se produit un peu partout dans les centres d’art et les grands festivals aux États-Unis. Il a aussi joué au Canada, en Irlande et au Pérou. Son approche personnelle de la guitare fingerstyle attache une attention particulière au timbre et aux couleurs subtiles que peut livrer sous ses doigts un bon instrument. Il joue selon son inspiration ses propres versions de pièces de Miles Davis, de Bach, de John Fahey ou des Ventures, par exemple, en y insérant toujours une musicalité à la fois intime et lumineuse.
Martin Taylor, gentleman du Fngerstyle
Martin Taylor, nom prédestiné pour un guitariste étoile du fingerstyle, a grandi en Angleterre dans une famille de musiciens épris du style manouche. Il commence à jouer dès l’âge de quatre ans et quatre ans plus tard joue souvent avec le groupe de son père. Influencé dès ses débuts par l’immense Django Reinhardt (1910-1953), il étudie auprès de Ike Isaacs qui lui présente Stéphane Grappelli, légendaire violoniste du Hot Club de France. Celui-ci l’invite à participer à quelques concerts européens, puis l’engage dans son groupe. Taylor y joue la partie du regretté Django pendant les onze années suivantes, sur scène et sur disque. Cette présence remarquée lui permet de mener une carrière solo au cours de laquelle il collabore avec des sommités du jazz et de la guitare fingerstyle (entre autres Jeff Beck, Tommy Emmanuel, Chet Atkins, David Grisman, George Harrison, Jamie Cullum, Bryn Terfel, Dianne Schuur, Gary Burton), en plus de participer aux Rhythm Kings de Bill Wyman. Chef de file du jazz anglais, il ne peut compter ses British Jazz Awards sur les doigts ou nommer les prix en tous genres qu’il a reçus. Le virtuose Pat Metheny le voit comme « l’un des guitaristes-solistes les plus admirables de l’histoire de l’instrument », tandis que Chet Atkins l’a décrit simplement comme « l’un des meilleurs guitaristes au monde ». La musique et la guitare animent la philosophie altruiste de Martin Taylor. Il la propage en tant que gentleman du fingerstyle et professeur de guitare d’envergure internationale.
Andrès Segovia (1893-1987), apôtre de la guitare
En musique classique, le nom d’Andrès Segovia est presque synonyme du mot « guitare », de par l’importance de sa contribution au répertoire et à la renommée de l’instrument. Au début du 20e siècle, la guitare n’est pas jugée digne du domaine classique comme le piano ou le violon, même en Espagne. Ce manque de reconnaissance vient en partie d’un problème de lutherie : la guitare telle qu’on la fabrique alors n’émet pas un son assez puissant pour les salles de concert. On l’associe aussi davantage à la musique populaire.
Segovia s’attaque de front aux deux problèmes. D’abord, fidèle aux modèles de l’époque, il obtient de José Ramirez une guitare exceptionnelle qu’il doit, selon son souvenir, « payer en faisant connaître son fabricant partout dans le monde. » Plus tard, il collabore avec le luthier Hermann Hauser Sr. pour étendre la portée d’un nouveau modèle grâce à des bois et à des cordes de meilleure qualité. Tous deux la font aussi évoluer vers une forme plus ample qui en déploie la résonnance. En même temps, Segovia développe un répertoire exigeant, à la fois classique et contemporain. En plus d’adapter des pièces de Francisco Tárrega, il interprète lors de sa tournée de 1928 aux États-Unis les Études que le compositeur brésilien Heitor Villa-Lobos lui dédie. Une amitié au long cours s’établit entre eux et chacun contribue à la renommée de l’autre. Le guitariste s’attaque ensuite au répertoire de Bach, interprétant en 1935 sa version de la Chaconne de la partita no2, une pièce exigeante pour tout instrumentiste.
Continuer la lecture de « Andrès Segovia (1893-1987), apôtre de la guitare »Leo Kottke, virtuose sur cordes d’acier
Leo Kottke (né en 1945) est un guitariste de style fingerstyle basé à Minneapolis qui joue surtout en solo, alternant entre ses guitares à 6 et 12 cordes. Il chante à l’occasion et divertit le public avec des anecdotes humoristiques et des monologues. Sous les doigts de Kottke, la musicalité équilibre toujours la virtuosité, pour faire chanter la guitare à cordes d’acier. Il explique parfois le rapprochement qu’il fait entre musique et plongée sous-marine : la sensation de flotter librement, entouré de beauté.
Enfant, Kottke apprend à jouer du trombone et du violon, puis passe à la guitare, inventant un genre de picking original. Plus tard, alors qu’il est dans la réserve de la Marine, des explosions affectent son audition déjà endommagée. Après l’obtention de son congé, Kottke joue dans les rues, passant d’un État à un autre, et s’installe finalement au Minnesota. Son premier album, 12-String Blues, a été publié en 1969 sur un label indépendant. La même année, il enregistre 6- and 12-String Guitar pour Takoma Records de John Fahey. Destiné à devenir son travail emblématique, ce disque sera réédité sur différentes étiquettes au fil des ans. En 1971, Kottke enregistre Mudlark pour Capitol, qui a été suivie par Greenhouse et cinq autres albums. Le dernier, Chewing Pine, précède son passage chez Chrysalis Records en 1976. À cette époque, ses performances dans les festivals folk élargissent son public international.
Au début des années 1980, à cause d’une tendinite, Kottke adopte un style plus classique et une technique de jeu influencée par le jazz. Tout en prenant du recul par rapport à la tournée et au studio, il quitte les grandes maisons de disques pour signer avec Private Music, une étiquette modeste associée au genre new-age. Il sort A Shout Toward Noon en 1986 et Regards form Chuck Pink suivis par trois autres albums, le dernier d’entre eux, Peculiaroso, produit par Rickie Lee Jones. Après avoir enregistré beaucoup de musique dans les années 80, Kottke ne sort rien avant son album solo One Guitar, No Vocals en 1999. En 2002, il collabore avec le bassiste Mike Gordon, en pause du groupe Phish, pour enregistrer Clone,qui comprend des œuvres des deux musiciens. Deux ans plus tard, Kottke publie un album solo,Try and Stop Me. En 2005, le duo revient avec Sixty Six Steps, et fait de la tournée pour soutenir ses deux albums.
Joe Pass (1929-1994), maître du jazz Fingerstyle
Bola Sete (1923-1987) : pionnier de la bossa nova
Né à Rio de Janeiro, “Bola Sete” tient son surnom des membres d’un groupe de jazz qui le voyaient comme la boule noire du jeu de billard, la boule no 7. Djalma de Andrade étudie la guitare au Conservatoire et commence à jouer dans des groupes de samba. Il a été influencé par Django Reinhardt, Charlie Christian et Barney Kessel, et par le style des grands groupes de Dizzy Gillespie, Tommy Dorsey et Woody Herman, qui étaient alors en tournée en Amérique du Sud.
Il passe quatre ans en Italie, puis revient au Brésil et rejoint des groupes qui voyagent dans toute l’Amérique du Sud. Sur les traces de João Gilberto, il devient l’un des premiers instigateurs de l’approche fingerstyle de la guitare de style bossa nova. Le gérant des Hôtels Sheraton lui offre de visiter les établissements de la chaîne aux États-Unis, où il rencontre Dizzy Gillespie lors d’un séjour à San Francisco. Gillespie le présente au public du Festival de jazz de Monterey en 1962, et il obtient un grand succès. Il se joint ensuite au trio de Vince Guaraldi, et grave avec lui plusieurs enregistrements bien reçus avant de lanncer son propre trio avec le bassiste Sebastião Neto et le batteur Paulinho da Costa. L’enregistrement de leur performance au Festival de Monterey en 1966 atteint la 20e place du palmarès de jazz de la revue Billboard.
Dans les années 1970, le guitariste John Fahey a invité Sete à enregistrer sur son label Takoma et a publié Ocean, maintenant considéré comme son chef-d’œuvre.
Caroline Planté, guitariste flamenca
Née à Montréal, la guitariste Caroline Planté est initiée au flamenco dès l’âge de sept ans par son père, Marcel Planté, dit « El Rubio » (le Blond). Partie se perfectionner à Séville et à Madrid, en Espagne, elle y compose et joue la musique de plusieurs spectacles, notamment de 2005 à 2013 en tant que directrice musicale de la compagnie Cruceta, spectacles qui ont circulé dans les principaux festivals espagnols. Elle collabore aussi avec la chorégraphe Myriam Allard, pour EL12 et Moi & les autres. À Montréal, elle est directrice artistique du Festival Flamenco Montréal et contribue à la vitalité du flamenco ainsi qu’à son évolution hors des sentiers battus. Paru en 2010, son CD 8reflexiones, le premier opus flamenco entièrement composé et interprété par une femme guitariste, lui a valu de figurer à la programmation du festival Sangre Nueva Jóvenes Flamencos, présenté au Teatro de Madrid.
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Qu’est-ce que la guitare Fingerstyle?
La guitare Fingerstyle est une technique qui permet de jouer ensemble mélodie, accords et ligne de basse.
La technique dérive de l’approche arpégée de la guitare classique pour la main droite : le pouce couvre les trois cordes graves, l’index joue la 3e, le majeur la 2e, et l’annulaire la 1e. La plupart des méthodes symbolisent ces doigts avec des majuscules : P = pouce, I = index, M = majeur, A = annulaire. Le pouce et l’annulaire ont leur première lettre comme symbole parce qu’elles correspondent à celle de l’espagnol (pouce = pulgar ; annulaire = anular).
Les premiers exercices consistent à jouer n’importe quel accord comme un arpège, puis à expérimenter avec différents schémas.
Une fois maîtrisée, l’approche fingerstyle se prête à tous les styles. Bien sûr, la musique pour guitare classique est le premier genre de fingerstyle reconnu au fil des ans, grâce au légendaire Andres Segovia (1893 – 1987) entre autres, mais au cours du 20e siècle, tous le styles musicaux ont été défendus par des maîtres du fingerstyle. De nombreux guitaristes de jazz ont élargi leur rôle dans divers ensembles au point de démontrer leur autonomie grâce à l’orchestre miniature qu’ils dirigent. Une telle maîtrise est illustrée par Joe Pass (1929 – 1994), qui était capable d’improviser sur tout, de ne jamais se répéter et de toujours explorer de nouvelles voies. Paco de Lucia (1947 – 2014) a fait croître le flamenco, en tant que soliste ou dans le cadre de divers ensembles, notamment son célèbre trio avec John McLaughlin et Al DiMeola, qui a fait plusieurs tournées mondiales. Dans le domaine du folk, Leo Kottke offre des interprétations virtuoses d’airs traditionnels et construit son propre répertoire, s’appuyant souvent sur la douze cordes, toujours avec brio.